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Service minimum d’Air France : l’État n’a pas à s’immiscer dans les affaires privées !

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Jean Belotti, expert aérien et ancien commandant de bort, revient dans une interview pour TourMaG.com, sur le service minimum et la stratégie low cost d'Air France.TourMaG.com – Un ministre et un député demandent un service minimum à Air France en cas d’une grève. Pensez-vous qu'il s'agisse d'une bonne suggestion ? Jean Belotti : "Deux réponses peuvent être apportées.

Jean Belotti, expert aérien et ancien commandant de bort, revient dans une interview pour TourMaG.com, sur le service minimum et la stratégie low cost d'Air France.TourMaG.com – Un ministre et un député demandent un service minimum à Air France en cas d’une grève. Pensez-vous qu'il s'agisse d'une bonne suggestion ? Jean Belotti : "Deux réponses peuvent être apportées.

La première est celle qui s’appuie sur le postulat que l’État n’a pas à s’immiscer dans les affaires privées.

Il ne peut donc exiger la réalisation d’un service minimum qu’à des sociétés dont l’activité est vitale ou de service public.

De nos jours, les deux premières sociétés auxquelles on pense sont la SNCF et EDF qui – à tout le moins pour le moment – sont encore en situation de monopole ou quasi-monopole. Mais ce n’est plus le cas d’Air France puisque :

– d’une part après sa privatisation, l’État ne détient que 15% de son capital ;
– et que, d’autre part, les lignes sur lesquelles elle assurait un service public en situation de monopole sont désormais en concurrence avec plusieurs autres transporteurs.

Il en résulte que dans le cas d’une grève, sans obligation d’un service minimum, ce sont les passagers pénalisés, eux-mêmes, qui peuvent sanctionner ladite compagnie en s’adressant à la concurrence.

TourMaG.com – Et quelle est la seconde réponse ?

Jean Belotti :"La seconde est celle qui s’appuie sur le principe que l’État, garant du bon fonctionnement de toutes les activités de la nation, doit intervenir dès lors qu’une minorité (donc non représentative) pénalise l’ensemble du pays.

En clair, l’État ne peut pas "laisser-faire" et doit réagir pour protéger les citoyens et les entreprises pénalisées. Ainsi, la première repose sur l’application des règles du système politico-économique en place.

La seconde repose sur les notions de logique et de justice. Ne peuvent-elles pas coexister ? La solution ne passe-t-elle pas par une action sur le contenu de droit de grève ?

Certes, le droit de grève est un droit des salariés prévu par la Constitution. Son principe ne peut donc pas être contesté.

Mais l’exercice de ce droit est cependant soumis à certaines règles définissant les critères et conditions devant être réunis pour qu'une grève soit licite. Il ne peut se faire que dans la “limite de l’abus”.

C’est ainsi que, par exemple :

– la grève devient illicite lorsqu’elle désorganise gravement l’appareil de production ;
– toute entrave physique ou pression psychologique sur des non-grévistes (les “piquets de grève”) peut caractériser une faute lourde des salariés grévistes ;
– l’occupation du lieu de travail est illicite, car elle porte préjudice au droit de propriété.

Alors, la question posée est de savoir s’il ne serait pas légitime d’inclure une nouvelle clause (comme le service minimum, entre autres…) dès lors que les conséquences de la grève pénalisent, non pas uniquement l’entreprise concernée, mais l’ensemble des activités du pays, en prenant, de surcroît, pour le cas qui nous concerne, les passagers en otages ?"

TourMaG.com – Le fait qu’Air France se lance dans les vols “low-cost” ne va-t’il pas conduire à une sur-offre ?

Jean Belotti : "En 2003, j’écrivais “Dès lors que les “low-cost” s’immisceront sur les lignes des groupes en place, elles déclencheront des réactions de riposte.

Les compagnies dites “régulières” – qui avaient créé leurs propres filiales “charter” – créeront leurs propres filiales “low-cost”, en proposant, certes, des tarifs légèrement plus élevés, mais restant attractifs, car compensés par des avantages qui n’existent pas chez les “low-cost” actuelles”.

Air France a effectivement créé sa filiale low-cost “Transavia” et vient de mettre sur pieds une structure “low cost” permettant de se lancer dans la desserte européenne en concurrençant Ryanair, Easy jet et d’autres.

Pourtant, en Europe plusieurs grandes compagnies ont renoncé (ce qui a été le cas de BA avec G0, SAS avec Snow, KLM avec Buzz, Iberia avec Click Air, DLH avec Gemanwings et BMI,…).

Certes, ce processus d’attraction de la clientèle par une baisse des tarifs – bien analysé par les économistes et confirmé par les faits – s'appuie sur l'offre d'un même produit, dit "homogène".

TourMaG.com – Qu'entendez-vous par "oligopole différencié", quel peut être le risque ?

Jean Belotti : "En fait, les produits offerts sont différenciés (classes, dessertes, horaires, service à bord, …), ce qui conduit à une situation dite d' "oligopole différencié", dans laquelle, une disparité entre les tarifs pratiqués par les concurrents n'entraîne pas automatiquement un déplacement de toute la clientèle, vers le produit le moins cher.

Cela étant, j’ai démontré, à plusieurs occasions, que cette situation dite d’“oligopole restreint” conduisait automatiquement à un équilibre instable.

En effet, sauf si l’arrivée d’un nouveau concurrent attire une nouvelle clientèle, il en résulte que le coefficient de remplissage de tous les compétiteurs en sera réduit, ce qui conduira certains à se retirer du marché.

De plus, la course à l’abaissement des tarifs, indispensable à la conquête de la clientèle des concurrents conduit :

– à la disparition de ceux disposant de la moins forte capacité financière, alors condamnés à la faillite, ce qui a déjà été constaté ;
– à l'apparition de situations dominantes, par absorption des concurrents en situation de vulnérabilité, ce qui s'est produit aux Etats-Unis, où 60% des 230 compagnies américaines ont disparu ou ont été absorbées par d'autres compagnies, devenues plus puissantes."

source : http://www.tourmag.com

 

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