Il y a un an tout juste le Conseil d’Air France validait à l’unanimité une commande ferme de 60 Airbus 220, porteurs d’avenir pour notre groupe. Un an plus tard, à la même période de validation des comptes semestriels, la Covid-19 nous plonge dans une autre dimension digne de science-fiction, mais hélas bien réelle.
L’actualité aéronautique mondiale est effarante : faillites, plan de licenciements, endettement abyssal. Personne n’aurait pu imaginer un tel désastre économique mais surtout humain tant les conséquences sont et seront lourdes. Le Directeur Général, Ben SMITH, a rappelé les nombreuses crises que le transport aérien a dû affronter avec des baisses d’activité de 10 à 15%, là où la Covid-19 entraine une chute de 80%…
L’évolution de la pandémie engendre une incertitude totale, et les prévisions de retour à un trafic d’avant crise reculent régulièrement. La longueur et l’ampleur de cette crise sanitaire amèneront certainement une évolution dans les comportements, que ce soit dans le monde du travail et des entreprises, ou dans celui de nombreux citoyens. Ce changement sociétal, s’il peut être bienvenu sur certains aspects, obligera de nombreux secteurs à s’adapter « au monde d’après » et le transport aérien est en première ligne avec une mondialisation qui, souhaitons-le, pourrait être repensée…
Orientations stratégiques, présentées par Anne RIGAIL DG Air France
Le groupe Air France s’acheminait après les annonces de novembre 2019 vers une transformation interne. Ces décisions présentées aux investisseurs restent d’actualité mais ont pris un coup d’accélérateur pour sortir de cette crise dans les meilleures conditions économiques possible. Après un trafic minimal en mars et avril, l’urgence d’une aide financière s’imposait. Les deux Etats se sont portés au secours de leurs fleurons nationaux respectifs et les conditions associées aux prêts s’inscrivent dans le plan initial. Cela au prix d’une lourde restructuration au sein du groupe : chez AF mais surtout chez HOP, triste revers et chez Transavia France qui sera la grande gagnante.
Les orientations stratégiques dévoilées en grande partie en juin sont aujourd’hui quasi finalisées conformément aux demandes du gouvernement français. KLM présentera son plan définitif à l’automne. L’accord trouvé avec le SNPL, validé massivement, officialise la restructuration du court-courrier. La répartition de l’activité France entre les 3 compagnies du groupe sera bouleversée avec une reprise par Transavia des lignes ORLY, hormis les Navettes qui resteront un produit AF avec produit affaire, et une réorganisation drastique du réseau de HOP cantonnée aux apports des hubs de CDG et de LYS. Les créneaux ainsi libérés sur la plateforme d’ORY seront réattribués à TO, qui poursuivra en parallèle le développement de son réseau européen. L’empreinte du groupe sur le deuxième plus gros aéroport français, très sollicité par la concurrence, sera confortée.
Le long et moyen-courrier ne sont pas touchés par une restructuration. Mais des évolutions (baisse de fréquences, de modules avions) sont attendues pour augmenter leur rentabilité à l’horizon 2023, tout en préservant l’offre de destinations sur ces 2 réseaux. Si la crise et ces effets dévastateurs sur nos finances l’imposaient, de nouvelles coupes seraient envisagées. Le plan présenté est en effet évolutif en fonction d’une situation difficilement maitrisable. L’équilibre du réseau serait toutefois maintenu.
L’évolution de la flotte constitue un des axes majeurs du plan.
Raison pour laquelle, les investissements ne sont pas remis en cause. Mais là aussi, en fonction de la conjoncture, la flexibilité est possible en adaptant le calendrier d’entrées et de sorties. Les nouveaux avions répondent aux exigences climatiques. Ils permettent par une réduction de types avions de réduire les coûts unitaires et améliorent l’offre aux passagers. Nous passerions sur LC de 7 types avions à 4, e et de 10 configurations cabines à 6, à échéance 2026. La part de sièges premium resterait conforme à aujourd’hui, à hauteur de 12%, ce qui a l’avantage de préserver une recette de qualité sans trop s’exposer. Sur MC, l’A.220 marquera une rupture avec les Airbus que nous connaissons et renouvellera une flotte vieillissante et moins écologique. La flotte régionale de HOP diminue considérablement à 32 appareils, passant de 7 types avions à 2 : Embraer 190 et 170. Le passage en mono flotte réduira fortement les coûts. Les salariés de HOP paient un lourd tribut. Plusieurs bases PN et sites industriels sont condamnés.
Les personnels au sol seront confrontés à une forte réorganisation au sein des différents métiers : disparitions, suppressions de postes, changement dans les méthodes de travail. La restructuration sera lourde pour nos collègues.
Le retour à l’équilibre est attendu en 2023… avec une activité resserrée. Le nouveau groupe, la nouvelle AF qui se profile, auront changé.
La présentation des comptes n’a surpris personne mais le niveau des chiffres reste édifiant et celui des réservations sur la rentrée laisse planer un troisième trimestre peu engageant.
De ces comptes largement commentés, il faut retenir au semestre (janvier-février : bien orientés, mars : chute brutale d’activité, avril-mai : activité autour de 5%, juin : timide reprise)
– Chiffre d’affaires au semestre en chute de 55%
– Offre globale (PAX AF/ TO et cargo) à -54.1%
– Coefficient de remplissage à 46%
– Coûts unitaire en hausse de 41.5%
– Résultat d’exploitation en baisse d’1.5Mds€
– Résultat net en baisse de 2.834Mds€
Le plongeon est sévère et à l’image de l’ensemble des compagnies mondiales. Sur ce second trimestre, une partie du prêt bancaire a été tirée, empruntée. 2Mds€ sont venus renflouer notre trésorerie, le chiffre d’affaires étant loin de pouvoir assurer les dépenses. Les 5 milliards « restants », incluant le prêt direct de l’Etat, devraient être tiré d’ici fin 2020. Avec une reprise annoncée lente et une échéance de remboursement à prévoir (outre les prêts, le report de charges/redevances de l’année 2020 interviendra en 2021 et, malgré la supplique de notre ancien PDG, aujourd’hui à la présidence de IATA, de nombreux passagers demandent le remboursement de billets dont les vols ont été annulés) la réduction de coûts est recherchée activement.
EVRALes plans de départs lancés dans toutes les catégories de personnel constituent une source d’économie conséquente, réduisant les coûts fixes, cheval de bataille des entreprises.
Côté PN, les RCC sont lancés pour réduire le sureffectif et abaisser sensiblement la masse salariale. Plus de 400 pilotes, soit le nombre voulu, quitteront l’entreprise ce mois-ci. La nôtre est en cours. Aura-t-elle la même adhésion ? Le volume de départ souhaité est important, adressée principalement aux « anciens », la pyramide des âges étant favorable. Cependant, certains PNC n’auront pas la possibilité de partir pour des raisons personnelles et/ou légitimes.
La direction devra porter une attention forte à la cohésion équipage et éviter que ne s’immisce un conflit générationnel, peu propice à la sécurité des vols.
Le PDV du PS sera lancé début 2021 et les départs sont prévus d’ici fin 2023.
Maintenant, comment garder espoir ?… L’attention qu’a portée l’Etat sur notre activité peut en constituer un. Secteur vital à l’économie nationale, le gouvernement ne cache plus son intérêt pour le transport aérien, a fortiori quand il porte haut le drapeau français. En interne, le groupe dispose de nombreux atouts. Les salariés, les PNC constituent la force première du groupe, l’atout majeur. Le plan s’il permet de retrouver une dynamique économique et financière, aura de lourds impacts pour beaucoup d’entre nous. Certains s’en vont. Ceux qui restent doivent pouvoir au travers des efforts qu’ils auront consentis retrouver de la sérénité. La direction souhaite transformer notre modèle et entamer plusieurs négociations avec les PNC.
Il faudra trouver l’équilibre et ne pas profiter d’une crise pour mettre en péril ce que le corps social a construit au fil du temps. Cette crise, si elle bouleverse le monde aujourd’hui, aura bien une fin…L’essentiel est d’en sortir renforcé mais surtout ensemble.
Marie GAY-RAMON
Administratrice PNC, élue.