Vingt ans après la première guerre du Golfe et l'arrêt des vols Paris-Bagdad, la compagnie nationale "réfléchit" à la réouverture de la desserte de l'Irak. Mais un vol inaugural, à l'occasion de la visite de Christian Estrosi, ministre de l'Industrie, le 24 février prochain, à Bagdad, n'est pas envisagé. La compagnie nationale, privée depuis sa fusion avec KLM en 2003, n'est plus le transporteur aux ordres de l'État. Air France reste néanmoins une machine lourde qui n'a pas la réactivité d'une low cost capable d'ouvrir ou de fermer une destination en une semaine. Au siège de Roissy-CDG, de nombreux services doivent étudier le projet, se réunir, éventuellement se faire la guerre en opposant d'autres alternatives, enfin proposer un programme de dessertes avant que le comex (comité exécutif) un mardi ne tranche et ne décide ou non d'ouvrir cette ligne régulière.
À Bagdad, histoire de mettre la pression, on laisse entendre que les pays mettant en service des liaisons aériennes régulières seront mieux placés pour négocier les contrats de reconstruction. Un message qui a bien été reçu par la diplomatie française. Dans des cas comparables, il a pu être fait appel aux ailes françaises et pas seulement à Air France. Ainsi, la reprise de la desserte de l'Algérie après l'attentat de décembre 1994 a été assurée par Euralair et Air Liberté avant qu'Air France n'assure à nouveau des vols et, aujourd'hui, Aigle Azur est devenue la compagnie leader sur cette destination.
La concurrence se prépare
Iraki Airways projette de son côté d'exploiter la ligne Bagdad-Paris deux fois par semaine et a présenté son projet à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) française. La compagnie a d'ailleurs fait appel à Air France Consulting, société de conseil et d'audit du groupe franco-néerlandais, pour l'aider à se restructurer et à se mettre aux normes occidentales. D'autres transporteurs s'intéressent à la capitale irakienne. Ainsi, Lufthansa va lancer des vols vers Bagdad et Erbil au départ de Francfort et de Munich d'ici à l'été. Erbil, à 300 km au nord de Bagdad, est la ville principale du Kurdistan irakien, plus calme. Elle est déjà desservie de Vienne par Austrian Airlines (groupe Lufthansa) depuis 2008. Air Berlin y va aussi et s'intéresse en plus à Bagdad.
Aujourd'hui, le plus simple pour aller à Bagdad au départ de Paris est d'emprunter Turkish Airlines. Il faut compter huit heures de voyage escale à Istanbul comprise. L'aller et retour en classe économique coûte un millier d'euros. D'autres acheminements sont possibles via Beyrouth (MEA), Bahreïn (Gulf Air), Amman (Royal Jordanian), etc.
Recréer une escale
Pour Air France, la réouverture de Paris-Bagdad passe par l'obtention des droits de trafic, une démarche qui ne devrait pas poser de problème, à effectuer auprès de la DGAC et du Quai d'Orsay. Pour rentabiliser le vol, il faut trouver des passagers en Europe, ce qui est relativement simple avec le réseau commercial, mais aussi au départ de l'Irak, ce qui est beaucoup moins aisé, les anciens contacts n'ayant pas survécu à vingt ans de guerre. La compagnie doit donc recruter un agent général. Cet intermédiaire commercial local dispose des bonnes entrées auprès des agences de voyages et de toutes les structures potentielles de vente.
À l'aéroport, l'enregistrement et l'embarquement des passagers peuvent être sous-traités à une société spécialisée agréée par l'Association internationale des transporteurs aériens (IATA). L'accueil technique de l'avion doit également être organisé avec au moins un mécanicien de piste et quelques pièces de rechange, comme des pneus. L'avitaillement en carburant doit être prévu. De nombreux autres services sont nécessaires, comme la fourniture d'un dossier météo décrivant les conditions rencontrées sur la route et à destination.
Détecter les faux visas
Mais le plus gros dossier à régler reste celui de la sûreté. Air France possède l'expérience d'escales dans des pays à risque. Dans certains pays africains, aucune confiance n'est accordée aux contrôles de sûreté effectués dans l'aérogare par les employés locaux. Parfois, ceux-ci s'endorment devant le scanner… quand ce dernier n'est pas en panne. Aussi est-ce au pied des passerelles de l'avion que les propres équipes d'agents de sûreté recrutées par Air France vérifient en présence des passagers les bagages de soute et de cabine.
La compagnie aérienne doit aussi détecter les faux passeports et visas avant l'embarquement. Sinon, à l'arrivée en France, en plus de la prise en charge du billet de retour, s'ajoute une amende de 5.000 euros par passager irrégulier, ce qui plombe vite l'équilibre financier d'un vol. "Heureusement, les services consulaires nous aident à détecter les faux documents en ajoutant sur les timbres des visas des codes que nous connaissons et qui changent sans cesse pour décourager les faussaires", explique un chef d'escale, qui voit régulièrement plusieurs frères d'une même famille voyager à des dates différentes, mais avec un unique passeport.
Équipage doublé
Faute d'entreprise locale spécialisée en catering, un "double emport" doit être prévu. Les plateaux-repas du vol retour sont donc conservés dans de la carboglace en soute à l'aller. C'est autant de fret en moins. Trouver un avion disponible pour créer un vol Paris-Bagdad pose aujourd'hui peu de problèmes, alors que ça peut être un vrai casse-tête en période de croissance. Sur les parkings de Roissy-CDG, il y a l'embarras du choix ou presque. Au moins, six moyens-courriers "font du béton" en cette période de baisse de trafic. L'Airbus A 319 Dedicate semble être l'appareil adapté au lancement de ligne.
Semblable aux avions qui volent en métropole pour la Navette, cette version de l'A 319, équipée de réservoirs supplémentaires pour des vols de six heures, offre une cabine de 28 fauteuils en classe affaires et une autre cabine de 51 sièges en classe économique. Il est déjà utilisé sur des destinations comme Malabo, Nouakchott, N'Djamena, Port Harcourt, etc. Reste à définir la composition de l'équipage, une phase qui passe par des négociations avec les partenaires sociaux. Il est vraisemblable que l'équipage sur cette destination sera volontaire. Les navigants peuvent, en effet, exercer un droit de retrait, comme ce fut le cas pour Alger lors de la réouverture. Il est exclu que l'équipage passe une nuit de repos sur place à l'hôtel à Bagdad. Il faut donc qu'un second équipage (pilotes et hôtesses) embarque à l'aller comme passagers, puis entre en fonction au retour quand ses collègues se reposeront. Ce double équipage doit être intégré dans le bilan économique de la ligne, ce qui détermine ensuite le prix du billet du passager.
Source : LePoint.fr – Thierry Vigoureux – 15 février 2010
Vers un premier vol Air France Paris-Bagdad, fin février
Une délégation d’Air France est actuellement à Bagdad pour finaliser la réouverture de la ligne Air France Paris-Bagdad que le ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, devrait inaugurer le 24 février, lors d’un déplacement dans la capitale irakienne.
Ses membres ont rencontré le directeur-général d’Iraqi Airways, qui vient, à son tour, de décider d’ouvrir une liaison aérienne Bagdad-Paris.
Pour Air France, les impératifs de sécurité restent prépondérants. La compagnie aérienne doit encore effectuer un audit de sûreté de l’aéroport, avant de rouvrir une ligne régulière avec Bagdad. « Le vol qu’empruntera le ministre le 24 février est un premier pas avant une reprise d'une liaison régulière », précise une source informée.
Jusque-là, Air France était plutôt réticente. « Mais côté français, une forte volonté politique pousse le dossier », ajoute la source. L’ambassade de France à Bagdad est en première ligne dans cette affaire, suivie de près à l’Elysée.
La France souhaite que les entreprises françaises soient davantage présentes sur l’important marché de la reconstruction du pays. Mais jusqu’à présent, peu ont répondu à l’appel, pour des raisons liées à l’insécurité et aux difficultés posées par l’envoi d’expatriés en Irak.
Une liaison aérienne Paris-Bagdad faciliterait, d’une certaine manière, ces déplacements.
Les 24 et 25 février, Christian Estrosi prévoit de se rendre à Bagdad inaugurer le Centre des affaires français, fondé par l’Adit en partenariat avec le ministère de l’Economie et des Finances. Le ministre veut faire d’une pierre deux coups : inaugurer cette structure d’accueil des entreprises françaises en empruntant le premier vol Air France Paris-Bagdad, depuis vingt ans.
Source : L'expansion.com – Georges Malbrunot – 03 février 2010