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Actualité juridique. Janvier 2023

SNPNC

Retrouvez un point sur les faits marquants en matière de droit social et du travail réalisé par votre équipe juridique SNPNC-FO.

ADOPTION DE LA LOI PORTANT SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

 

Comme présenté lors de la dernière veille, le projet de loi portant sur le marché du travail a été adopté le 21 décembre 2022 à l’issue de l’utilisation par le gouvernement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution (dit 49.3). La loi est donc entrée en vigueur le 22 décembre dernier (Loi n°2022-1598). Plusieurs points doivent attirer l’attention notamment :

 

La démission en cas d’abandon de poste :

 

La loi insère un nouvel article L.1237-1-1 dans le Code du travail disposant que le salarié qui abandonnera son poste de travail sera considéré comme démissionnaire, le privant dès lors des allocations chômages.

Avant toute chose, un abandon de poste est caractérisé lorsque le salarié qui occupe un poste le quitte sans autorisation ou lorsque ledit salarié ne se rend plus au travail sans justification d’absence. La nouvelle loi créée une présomption de démission s’agissant du salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail. Une certaine rigueur procédurale doit cependant être respectée par l’employeur qui devra mettre en demeure le salarié de reprendre le travail et de justifier son absence par LRAR ou par lettre remise en main propre contre décharge. La présomption de démission est une présomption simple de telle sorte que le salarié pourra saisir le Conseil de Prud’hommes compétent afin de contester la rupture de son contrat en démontrant que son abandon de poste n’était pas volontaire et que son absence était justifiée.    

 

Le changement des règles relatives à l’indemnisation chômage :

 

Plusieurs changements ont été opérés sur le sujet mais nous nous concentrerons ici sur la modulation de l’indemnisation en fonction de la conjoncture économique ainsi que sur la restriction du droit à l’indemnisation vis-à-vis de certains salariés.

 

Sur la modulation des droits à l’indemnisation chômage : Est inclus un nouvel article L.5422-2-2 au sein du code du travail qui dispose que « les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance peuvent être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail ». Le décret est toujours en attente quant à l’application de ces dispositions mais selon le ministre du travail le 21 novembre, la modulation impacterait la durée d’indemnisation et pourrait correspondre à :

  • Si le taux de chômage atteint 9% ou qu’une hausse trimestrielle de 0,8 point est constatée, cette durée resterait similaire à ce que l’on connait (minimum 130 jours ou 910 heures).
  • Si la conjoncture économique est plus favorable, la durée pourrait être réduite de 25%.

 

Sur la restriction du droit à l’indemnisation vis-à-vis de certains salariés : la loi du 21 décembre 2022 sur le marché du travail prévoit l’exclusion du bénéfice des indemnités chômage des salariés en CDD ou en contrat de mission qui refuseraient à deux reprises une proposition de CDI (nouveaux articles L.1243-11-1 et L.1251-33-1 Code du travail). Encore une fois, il est toutefois nécessaire que soient caractérisées plusieurs conditions : sont concernés les salariés qui refuseraient un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire à deux reprises au cours des 12 derniers mois  notamment à l’issue d’un CDD si la rémunération proposée est au moins équivalente, la durée du travail est équivalente, la classification est la même et le lieu de travail également.

Il faut cependant noter deux exceptions à cette disposition :

  • Si le salarié a été employé en CDI au cours de la période de 12 mois.
  • Si la dernière proposition adressée au demandeur d’emploi n’est pas conforme aux critères prévues par son projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE).

 

Un décret d’application est encore attendu sur cette question également. Il est toutefois déjà acté que l’employeur dispose d’une obligation d’information quant au contrat proposé. Il devra dès lors notifier la proposition de CDI au salarié par écrit et si ce dernier refuse, l’employeur aura la charge d’en informer Pôle Emploi et aura la charge de prouver le caractère similaire de l’emploi proposé.


 

BREFS RAPPELS SUR LA GRÈVE : eu égard au climat social au sein de certaines compagnies durant les fêtes, il pourrait être utile de rappeler ici que la grève est un droit constitutionnel dont l’exercice est consacré au sein du 7e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. En tant que tel, bien que l’exercice du droit de grève suspende l’exécution du contrat et libère l’employeur de son obligation de payer le salarié, la retenue sur salaires doit être strictement proportionnelle à la durée de l’arrêt du travail. A défaut, la sanction sera caractérisée comme pécuniaire et prohibée par le Code du travail (L.1331-2). De même, l’employeur ne peut prendre aucune mesure discriminatoire en matière de rémunération d’avantages sociaux (L.2511-1 Code du travail). Enfin, les actes disciplinaires et le licenciement d’un salarié en raison de sa qualité de gréviste sont nuls.


 

CONCOMITANCE DES PROCÉDURES DE LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE ET DE RECONNAISSANCE DE L’INAPTITUDE/MALADIE PROFESSIONNELLE

 

Lorsqu’une procédure de licenciement est engagée à l’encontre d’un salarié, le juge doit vérifier la réalité du motif : en cas de concomitance entre une procédure de licenciement pour motif économique et une procédure de licenciement pour inaptitude du salarié non encore constaté par le médecin du travail il est nécessaire que soit vérifié si la véritable cause du licenciement est lié à la cessation totale de l’activité de l’entreprise ou à l’état de santé du salarié (Cass. soc., 26 oct. 2022).


 

TEMPS DE TRAVAIL ET RÉMUNÉRATION

 

Exercice du droit d’alerte et décomptes du crédit d’heures :

 

La Cour de cassation considère que les heures de réunion passées avec l’employeur à la suite du déclenchement par les membres du Comité social et économique de leur droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes ne constituent pas un temps de travail effectif et sont dès lors déduites de leur crédit d’heures (Cass. soc., 9 nov. 2022).

 

Prime et heures supplémentaires :

 

Les heures supplémentaires sont des heures accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente. Ces heures donnent lieu à un paiement majoré. La Chambre sociale de la Cour de cassation est venu rappeler que le versement de primes ou d’indemnités ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires eu égard au principe précédemment énoncé (Cass. soc., 21 sept. 2022).


 

LICENCIEMENTS ET DROITS FONDAMENTAUX

 

Respect de la liberté d’expression et d’opinion

 

La Cour de cassation considère qu’un salarié ne peut être licencié pour avoir refusé d’intégrer les valeurs « fun & pro » de son entreprise, incitant à divers excès alcoolisés, en ce que cela participe à l’exercice de sa liberté d’expression et d’opinion. Il est rappelé à cette occasion que le licenciement prononcé du fait de l’exercice de sa liberté d’expression rend le licenciement illicite et entraine sa nullité, peu important que plusieurs autres motifs aient été invoqués par l’employeur : lorsque l’un des motifs est illicite en ce qu’il repose sur un motif prohibé, la jurisprudence considère de manière constante que celui-ci vient « contaminer » les autres motifs (Cass. soc., 9 nov. 2022).

 

Respect du principe de non-discrimination

 

Il a été jugé qu’une compagnie aérienne ne peut interdire à l’un de ses steward de porter des tresses nouées en chignon en ce que cela constitue une discrimination directe fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe. Le principe d’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail dispose que « les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle variable et déterminante et doit être proportionnée au but recherché ». Les différences de traitement doivent être renvoyées à une « exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause ». La Haute juridiction en a déduit que « l’interdiction faite à l’intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directe fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe ». En ce sens, l’uniforme permet aux clients d’identifier le personnel navigant commercial or, la manière de se coiffer n’est ni une partie de l’uniforme, ni son prolongement ( Cass. soc., 23 nov. 2022).


 

FOCUS SUR LA MISE À PIED

 

A titre liminaire, le pouvoir disciplinaire est le corolaire du pouvoir de direction, reconnu à l’employeur et lui permettant de sanctionner les comportements et les actes considérés comme fautifs des salariés placés sous sa subordination. L’usage du pouvoir disciplinaire de l’employeur peut prendre plusieurs formes et notamment celle de la mise à pied, lui permettant de suspendre le contrat de travail de ses salariés. A ce titre, il est nécessaire de distinguer la mise à pied disciplinaire et la mise à pied conservatoire.

La mise à pied disciplinaire :

La mise à pied disciplinaire est une mesure de suspension provisoire du contrat de travail. Elle entraine pour le salarié une interdiction d’exercer son activité professionnelle et la suppression de sa rémunération durant la période définie. La mise à pied disciplinaire est une sanction. Cette sanction est soumise à la procédure prévue par l’article L.1332-2 du Code du travail applicable au droit disciplinaire. Elle doit donc nécessairement être précédée d’un entretien préalable, être notifiée par écrit et motivée au salarié. La durée de cette mise à pied disciplinaire est fixée à l’avance, la durée maximale devant être prévue au sein du règlement intérieur. A défaut du respect de l’ensemble des règles procédurales précitées, la mise à pied est illicite (Cass. soc., 11 déc. 2015). La mise à pied disciplinaire étant une sanction, l’employeur ne pourra pas sanctionner le salarié une seconde fois pour les mêmes faits.

La mise à pied conservatoire :

A contrario, la mise à pied à titre conservatoire est une mesure visant à écarter le salarié de son poste de travail dans l’attente d’une sanction à venir. Sans que cela ne soit une sanction, il s’agit d’une mesure provisoire prononcée lorsque les faits reprochés au salarié paraissent d’une telle gravité qu’ils justifient sa mise à l’écart de l’entreprise dans l’attente d’un éventuel licenciement. Il est important de comprendre que le caractère conservatoire est le critère principal de cette mise à pied en ce qu’elle est destinée à laisser à l’employeur un délai de réflexion suffisant pour statuer sur le cas du salarié. Elle doit en principe être prononcée à durée indéterminée en ce qu’elle l’est dans l’attente d’une sanction définitive. Quant à la rémunération du salarié durant cette période, seul le prononcé de la sanction retenue à l’issue de la procédure disciplinaire ou d’un licenciement pour faute grave peuvent justifier la perte de salaire.

Une mise à pied conservatoire peut être requalifiée en mise à pied disciplinaire : l’employeur qui licencie le salarié sanctionne dès lors son salarié deux fois pour les mêmes faits, rendant ledit licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 25 juin. 1986, n°84-41.606). Une mise à pied conservatoire peut être requalifiée en disciplinaire pour plusieurs raisons notamment en l’absence de référence explicite à l’éventualité d’un licenciement (Cass. soc.,  21 juin 2006) ou si la mise à pied a été prononcée sans indication de son caractère conservatoire et qui n’a pas été suivie immédiatement de l’ouverture d’une procédure de licenciement (Cass. soc., 5 mai 1999).

Enfin, si l’employeur renonce à licencier le salarié après l’avoir convoqué à un entretien préalable à licenciement et prononce une sanction moindre telle qu’une mise à pied disciplinaire, la durée de cette dernière sera imputée de la durée de la première (Cass. soc., 5 juill. 2006).

Une réelle distinction est donc faite en droit français s’agissant de la mise à pied disciplinaire et la mise à pied à titre conservatoire. La juste caractérisation de la décision prise par l’employeur pouvant entrainer le départ du salarié de l’entreprise, il est nécessaire de qualifier au mieux afin que soient appliquées les dispositions prévues par le législateur et notamment celles imposant l’interdiction de sanctionner un salarié deux fois pour les mêmes faits.

 

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