Alexandre de Juniac l’a annoncé récemment aux cadres d’Air France. Lundi 15 octobre, le PDG de la compagnie aérienne française leur présentera une nouvelle organisation qui sera mise en place le 1er janvier 2013.
Alexandre de Juniac l’a annoncé récemment aux cadres d’Air France. Lundi 15 octobre, le PDG de la compagnie aérienne française leur présentera une nouvelle organisation qui sera mise en place le 1er janvier 2013.
Objectif : "responsabiliser davantage les équipes à travers la mise en place d'unités économiques, plus réactives et aux moyens renforcés, et se focaliser toujours plus sur le client", avait-il déclaré le 20 septembre aux Echos. Un moyen de soutenir son plan de redressement.
"Un coup de pied dans la fourmilière"
"Alexandre de Juniac veut donner un coup de pied dans la fourmilière. Il considère, qu’en gérant des ensembles de 7 à 8.000 salariés, les grandes directions de la compagnie ont perdu le contact avec la base et le client", explique-t-on en interne. Très satisfait de l’esprit d’entreprise qui règne dans les bases provinces de Marseille, Toulouse et Nice lancées il y a un an (même si les résultats financiers ne sont pas au rendez-vous), il veut revenir à un "esprit entrepreneurial", où les responsables hiérarchiques sont plus près de la base pour être plus proches des clients, un point qui lui tient particulièrement à cœur.
Séparation de l'activité "passage"
Derrière ces considérations, qui se rapprochent dans l’esprit aux tentatives avortées de décentralisation du PDG Christian Blanc en son temps, découlera une nouvelle organisation quasiment unique dans le transport aérien. Celle-ci sera complètement revue dans "l’activité passage" (le transport de passagers), la plus importante de la compagnie (80 % du chiffre d’affaires), loin devant le cargo et la maintenance. Selon nos informations en effet, l’activité "passage" sera divisée en trois "business unit" autonomes, disposant chacune de son compte de résultats. Une entité regroupant l’activité long-courrier à l’aéroport de Roissy, une autre pour le moyen-courrier toujours à Roissy et, enfin, la dernière, qui gère le réseau domestique (au départ d’Orly + et les vols entre villes de province).
Bruno Matheu, Alain Bernard, Florence Parly aux manettes
Selon nos sources, Bruno Matheu, actuellement directeur général adjoint en charge du marketing, du réseau, du revenue Management d’Air France, prendra les rênes de l’activité long-courrier, la plus prestigieuse et la seule rentable. L’activité moyen-courrier à Roissy devrait être confiée à Alain Bernard, aujourd’hui directeur général adjoint service en vol. Enfin l’activité domestique (Orly, province) sera confiée à Florence Parly, directrice générale adjointe en charge du cargo, si cette dernière n’est pas nommée à la présidence d’Aéroports de Paris pour laquelle elle est toujours en course.
Le patron de Servair à la tête du commercial
Pour autant, plusieurs fonctions stratégiques resteront centralisées comme le programme des vols, le revenue-management (fixation des prix en fonction de l’offre et la demande) ou encore le "commercial" qui va cesser d’être séparé entre les activités France et internationales. Selon nos informations, le PDG de la filiale de restauration à bord Servair, Patrick Alexandre, devrait se voir confier la responsabilité de l’ensemble des ventes. Ce qui va dans le sens des informations du site déplacementpros.com qui annonçait mardi le retour de Patrick Alexandre à Air France et les nouvelles fonctions de Bruno Matheu. Pour autant, il n’est pas sûr que le nom de Patrick Alexandre apparaisse dans la communication que fera Alexandre de Juniac lundi prochain devant les cadres d’Air France. Car tout n’est pas finalisé.
Une organisation qui interpelle
La division de l’activité "passage" interpelle dans l’entreprise. Comment séparer le long-courrier du moyen-courrier dans une compagnie organisée en "hub" qui implique une grande imbrication des deux activités ? 50 % des passagers d’un vol moyen-courrier vers Roissy prennent en effet une correspondance à Roissy. Pour eux, le prix du vol court et moyen-courrier pour se rendre à Roissy afin d’enchaîner sur un vol long-courrier est dérisoire dans le prix du billet. En changeant de modèle, comment les deux "business units" vont-elles fonctionner ? Quel sera le prix du transit dans les facturations de services respectifs ? Le responsable de l’activité moyen-courrier ne sera t-il pas tenté de privilégier les vols de point-à-point, plus rémunérateurs (et comptabilisés dans ses résultats) plutôt que le trafic de correspondances qui lui rapportera quasiment rien ? C’est le risque. "Personne ne fait cela. Dans le monde, seule la compagnie Qantas a annoncé le projet de scinder ses opérations", fait remarquer un observateur.
Réorganisation d'Air France-KLM
Les projets d’Alexandre de Juniac ont surpris au sein du holding Air France-KLM, présidé par Jean-Cyril Spinetta. Notamment le calendrier. En effet "la nouvelle organisation d’Air France doit être cohérente avec celle que prépare Air France-KLM en 2013", explique un proche du dossier. Tout n’est pas encore finalisé, notamment la définition de toutes les fonctions appelées à remonter au sein du holding. La remarque a d’ailleurs été faite à Alexandre de Juniac à l’occasion de la réunion du comité exécutif d’Air France-KLM il y a quelques semaines.
Mouvements au Comité exécutif du holding
Ce GEC (Group executive committee) au niveau du groupe Air France-KLM (maison-mère d’Air France et de KLM), est très influent. Surtout, il respecte certains équilibres savants entre le groupe Air France et le groupe KLM, même si le camp tricolore détient la majorité. Or, en modifiant les fonctions de certaines personnes au sein d’Air France, le GEC se retrouve automatiquement impacté. Car leurs remplacements suscitent un jeu de chaises musicales et des longues tractations avec la direction de KLM, qui a son mot à dire. C’est le cas de Bruno Matheu, qui fait office de numéro deux d’Air France, candidat l’an dernier à la présidence d’Air France. En se concentrant sur Air France, il devrait être amené à quitter le comité exécutif d’Air France-KLM dans la mesure où il ne chapeautera plus le programme, le revenue management…pour l’ensemble des deux compagnies. Qui pour le remplacer ? Un Français, un membre de KLM ? Idem pour le cas de Patrick Alexandre, dont la nomination n’est pas encore validée à 100 %. Si en plus de reprendre la main sur les ventes d’Air France, il devait également coiffer les activités commerciales d’Air France-KLM, et intégrer ainsi le GEC, à la place d’un Néerlandais de KLM qui occupe cette fonction aujourd’hui. Il faut lui trouver un autre poste, mais aussi changer les adjoints. En effet quand c'est un Français qui chapeaute une activité au sein du holding, son équivalent chez KLM est généralement son adjoint et vice-versa.
L'organigramme n'est pas finalisé
Des exemples qui résument les discussions depuis plusieurs semaines entre Air France, KLM et le holding pour la nomination de tous les N-1. En outre, KLM travaille également sur la modification elle aussi de son comité exécutif. "Entre la modification du Comex (comité exécutif, ndlr) d’Air France, d’Air France-KLM et de KLM, entre 20 et 25 personnes sont concernées", explique une source interne. Or, selon les statuts, pour tout changement du Comex d’Air France-KLM, le CEO (président exécutif) de KLM doit donner son avis et la décision finale appartient au PDG, Jean-Cyril Spinetta. "Dans les faits, tous les N-1 doivent avoir l’aval des deux CEO. Cela prend du temps", explique-t-on en interne. Selon nos informations, l’organigramme n’est pas encore entièrement validé par KLM. Des divergences au sein même du camp KLM pour la nomination de Néerlandais existent également. "C’est pourquoi l’annonce d’Alexandre de Juniac, prévue début initialement début octobre a été décalée", explique un proche du dossier.