Paris (AFP) – Eric, 40 ans, steward chez Air France, en grève pour refuser des conditions de travail "terriblement dégradées", décrit à l'AFP une "pression constante" et un métier loin des clichés de professionnels privilégiés profitant gratuitement de plages paradisiaques entre deux escales.
Ce steward, membre du SNPNC-FO, syndicat majoritaire avec l'UNSA-PNC chez les hôtesses et stewards, vole sur long-courriers: "plus de 4 heures de vol, le plus proche étant Beyrouth ou Le Caire, le plus loin Santiago du Chili".
Il "aime" son métier, "très enrichissant par les contacts", mais décrit des conditions de travail "de plus en plus dégradées" et "une pression constante" dans un contexte de "concurrence impitoyable": "décalages horaires", "environ 40% d'horaires de nuit", "jusqu'à 15 heures de vol d'affilée voire 18 heures ou plus avec la préparation", des éléments qui "pèsent lourd sur les rythmes biologiques" et supposent de "prendre soin de soi", en veillant à "bien manger", à "faire du sport" et à "respecter ses temps de repos". Ces derniers s'échelonnent de 24 à 48 heures. "Plus on va loin, plus le repos est important. Ce n'est quasiment jamais supérieur à 48 heures", précise le steward.
"Quand vous avez fait 15 heures de vol et que vous êtes resté réveillé 24 heures, vous ne savez parfois plus dans quelle ville vous êtes", ajoute-t-il, évoquant des "temps de rotation difficilement soutenables" pour Houston (Etats-Unis) et Panama, "plus de 10 heures de vol pour 24 heures de repos".
"Quinze heures de sommeil sont ensuite nécessaires pour garder la forme" et afficher la mine sereine et souriante que les 300 à 500 passagers de chaque vol attendent, comme un service de qualité.
A raison de "17 jours on" (travaillés) et "13 off" (de repos) par mois répartis "d'une manière homogène pour pouvoir enquiller les vols à décalage horaire", Eric, en poste depuis 19 ans, dit "bien" gagner sa vie même si "les contraintes sont énormes".
– Conakry, Téhéran, ONG –
En effet, si un steward gagne, en net, "entre 1.400 euros, lorsqu'il débute, et 3.000 à 3.500 euros au bout de 35 ans de carrière", il passe une visite médicale d'aptitude tous les deux ans que beaucoup redoutent, "un check-up complet auprès d'un organisme externe durant lequel les fonctions physiologiques sont mises à rude épreuve; si on perd son aptitude, on perd son métier, on est licencié d'Air France comme de toute autre compagnie", dit Eric.
Côté vacances, là aussi on est loin des clichés: "les destinations de rêve à prix réduit, ça n'existe plus. On a 41 jours de vacances que l'on ne choisit pas. On émet des désidératas mais on est à la disposition de l'entreprise 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Si on ne peut les prendre, il n'y a pas de compensation financière", explique le steward.
Les "fameux billets pas chers destinés au personnel n'ont quasiment plus cours en raison des contraintes qui y sont rattachées, notamment des places restantes à bord des avions. Partir dans des endroits paradisiaques quand on veut, à bas prix… tout ça c'est révolu même si nombre de gens continuent de fantasmer sur ces avantages supposés".
La réalité est "nettement moins glamour", raconte Eric: "je ne suis allé qu'à l'île Maurice, une fois il y a dix ans. En revanche je vais très souvent au Nigeria, en Centrafrique, dans des pays plutôt hostiles. Je vais à Los Angeles une fois par an mais trois fois par mois à Conakry (Guinée). On va aussi à Téhéran, ça fait partie du contrat".
"La moitié de notre activité se passe dans des pays où les gens ne partiraient pas en vacances. On achemine des ONG, des employés de compagnies pétrolières".
"On passe sa vie en avion et à défaire ses valises. Quand on est en vacances on est très nombreux à dire tout simplement: je souffle, je me repose, je me consacre à la famille. Moi, je prends le train et je vais voir mes proches dans le midi", dit-il.