Comment le Premier ministre et le ministre de l’Économie peuvent-ils, à l’unisson, soutenir le PDG de tous les échecs pour Air France ? Pour certains, cette nomination est synonyme de vengeance du Gouvernement contre des pilotes qui lui ont fait perdre beaucoup d’argent. Pour d’autres, l’État pressentirait un échec futur dans le redressement des comptes du groupe et garderait Alexandre de Juniac pour tout lui mettre sur le dos. D’autres se demandent finalement où sont passés dans tout ça les intérêts du groupe et de son personnel.
Ce mardi 17 mars, le comité de nomination du conseil d’administration d’Air France-KLM devrait annoncer officiellement son soutien à la candidature d’Alexandre de Juniac pour prendre les rênes du groupe. Le Premier ministre, Manuel Valls, et le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, ont quant à eux d’ores et déjà donné leur accord pour cette reconduction, non sans hésitation. Entre le conflit des pilotes en septembre dernier et les nombreuses tensions qui règnent aujourd’hui au sein du groupe du fait des décisions contestables prises par Alexandre de Juniac, sa reconduction, si elle est déjà bien avancée, n’est pas encore gagnée.
Tout porte à croire qu’Alexandre de Juniac va non seulement être reconduit à la tête d’Air France-KLM en mai prochain, mais qu’il aura également une influence plus forte encore sur le groupe. Selon La Tribune, ses fonctions devraient en effet être élargies au sein d’Air France, il pourrait même finir par cumuler les postes de PDG d’Air France-KLM et d’Air France, « Frédéric Gagey restant simplement directeur général ». Une emprise renforcée dont l’impact sur l’entreprise pourrait être dévastateur.
Alors qu’une grande conférence stratégique et sociale était prévue pour ce lundi 16 mars au matin, réunissant Alexandre de Juniac, Frédéric Gagey et l’ensemble des organisations syndicales du groupe, les deux hommes d’affaires ont dû se sentir bien seuls. Réformistes ou non, les syndicats représentatifs d’Air France ont en effet « décliné l’invitation d’Alexandre de Juniac », ceci à l’unanimité. Finalement, si l’homme d’affaires peut se targuer d’avoir réussi quelque chose à la tête du groupe, c’est bel et bien cela : avoir su réunir tous les syndicats, de tous bords politiques, derrière une seule et même cause, son départ de l’entreprise. Une belle performance pour celui qui, depuis sa nomination en tant que PDG d’Air France en 2011, a accumulé bourdes, couacs de communications, pertes financières et licenciements par milliers.
Licenciements à gogo : les syndicats au bout du rouleau
Alexandre de Juniac est nommé PDG d’Air France en novembre 2011. Quelques mois plus tard, en juin 2012, 5 212 personnes seront licenciées. En octobre 2013, à peine deux mois après sa nomination à la tête du groupe Air France-KLM, il persiste et signe et licencie 2 800 personnes. A croire que chaque nomination importante se doit d’être suivie pour Alexandre de Juniac par un plan social de grande ampleur. Aujourd’hui encore, le même schéma pourrait se répéter alors qu’il devrait être reconduit et que la rumeur de 5 000 nouveaux licenciements court déjà.
Plus encore que pour son penchant pour les licenciements, Alexandre de Juniac est également connu comme étant impliqué dans la plus grande grève de la compagnie aérienne, dont les pertes pour les comptes de l’entreprise s’estiment autour de 500 millions d’euros. Le climat social au sein d’Air France est plus que tendu aujourd’hui alors que les syndicats se radicalisent les uns après les autres. Lors des dernières élections du CE, le plan transform d’Alexandre de Juniac n’a pas du tout fait l’unanimité et 70 % des salariés se disent aujourd’hui mobilisés.
Entre décisions coûteuses et absence de communication
Principal élément responsable de la longueur de la grève des pilotes en septembre dernier : le projet Transavia Europe, révélé par de Juniac dans la presse 5 jours avant le début de la grève des pilotes, sans aucune communication au préalable auprès des syndicats, et coûtant la modique somme de 2 milliards d’euros. Ce type de surprises, assez peu appréciées en général, les organisations syndicales ne sont pas les seules à y avoir droit. Depuis la nomination d’Alexandre de Juniac, le Conseil d’administration a eu à deux reprises la mauvaise surprise d’apprendre le changement de situation des comptes du groupe, aussi appelé « Profit Warning », par voie de presse. Les deux fois, Alexandre de Juniac était au courant. Les deux fois, il avait vu le Conseil d’administration une semaine avant, sans l’avertir.
Administrateurs et syndicats ne sont apparemment pas les seuls à pâtir des « problèmes relationnels » du PDG du groupe, la Holding Air France KLM ayant elle aussi droit à quelques perles signées de Juniac. Fin 2014, sur ordre de leur PDG, des dizaines de dirigeants ont par exemple été priés de se convertir à l’Open Space. Ils ont donc quitté, à contre-coeur, leurs confortables bureaux pour un vaste plateau au Siège de Roissy. « Alexandre de Juniac est installé dans un cube vitré au milieu et nous regarde travailler ! », s’offusquait à l’époque un manager, encore stupéfait. Une polémique qui aura tout de même coûté à l’entreprise 23 millions d’euros au total (5 millions pour l’aménagement d’un bâtiment à Roissy et 18 millions pour sa transformation en Open Space géant).
Finalement, aujourd’hui chez Air France, tout le monde semble avoir une raison d’en vouloir à Alexandre de Juniac. A tel point qu’il apparaît comme vraiment surprenant de voir la bête noire du groupe soutenue par le Gouvernement. Comment le Premier ministre et le ministre de l’Économie peuvent-ils, à l’unisson, soutenir le PDG de tous les échecs pour Air France ? Pour certains, cette nomination est synonyme de vengeance du Gouvernement contre des pilotes qui lui ont fait perdre beaucoup d’argent. Pour d’autres, l’État pressentirait un échec futur dans le redressement des comptes du groupe et garderait Alexandre de Juniac pour tout lui mettre sur le dos. D’autres se demandent finalement où sont passés dans tout ça les intérêts du groupe et de son personnel.