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Ryanair et le « dumping humain »: plus loin que le « dumping social »

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De fait, la compagnie emploie à l'année des salariés à l'étranger, dans des pays où ceux-ci ont leur résidence principale et, au moyen d'interprétations juridiques litigieuses, s'évite toute charge sociale.

De fait, la compagnie emploie à l'année des salariés à l'étranger, dans des pays où ceux-ci ont leur résidence principale et, au moyen d'interprétations juridiques litigieuses, s'évite toute charge sociale.

Comme compagnie aérienne, Ryanair est l’une des plus connues en Europe, et dans le monde, pour ses bas prix. Comme entreprise, elle est aussi et surtout connue pour l'incroyable agressivité avec laquelle elle coupe les coûts et se joue des lois. La plupart des explications classiques reposent principalement sur les mécanismes de réduction des coûts et les gains additionnels que représente la facturation du « tout optionnel ». Explorons le modèle plus en profondeur.

On le sait, la compagnie aérienne a déjà été pointée du doigt plusieurs fois pour « dumping social ». Les employés basés dans les pays d'Europe continentale sont déclarés en Irlande (où une fiscalité plus laxiste autorise des économies d'échelle supérieures). De fait, la compagnie emploie à l'année des salariés à l'étranger, dans des pays où ceux-ci ont leur résidence principale et, au moyen d'interprétations juridiques litigieuses, s'évite toute charge sociale. Déjà pointée du doigt en Espagne ou en Italie, la low-cost irlandaise a quitté sa base de Marseille de manière fracassante l'hiver dernier pour ne pas avoir à répondre de ses infractions.

 Mais si l'on parle de « dumping social », c'est surtout du point de vue fiscal et juridique. En tant qu'employeur, Ryanair est mal connue. Et si c'est le cas, c'est peut-être aussi que le tableau n'est pas très beau à voir.

Être personnel navigant chez Ryanair : l'adieu au glamour

Malgré le mode de vie difficile qu'elle implique, la profession de navigant a longtemps été empreinte de glamour. Ryanair, en appliquant sa logique de réduction des coûts à l'embauche et aux conditions d'emploi de ses salariés a à la fois réussi à profiter de cette image et à la détruire. La compagnie utilise moins de navigants par avion que tout autre compagnie et pourtant à un des turnovers les plus élevés du secteur aérien. Ce n'est pas étonnant quand on regarde de plus près le mode de fonctionnement de la compagnie vis-à-vis de ses navigants.

Il est de notoriété publique que Ryanair recrute largement en Europe de l'Est. La raison en est simple, la compagnie joue sur les différences de salaire minimum entre pays européens et sur les facilités de mobilités des travailleurs intra-Union européenne. En effet, le salaire annoncé par la compagnie (entre 1 100 € et 1 400 € par mois sur la première année) est trois à quatre fois supérieur au salaire minimum en Pologne, Slovaquie ou Hongrie. D'autre part, l'attrait d'une vie de voyage, l'idée (fausse) sous-jacente que « mettre un pied » dans une compagnie aérienne facilite le passage dans une autre, participent grandement à attirer des masses de jeunes gens vers la low-cost irlandaise.

Pourtant, face au rêve vendu par les offres de recrutement Ryanair, la réalité est tout autre. Pour minimiser les coûts, la compagnie s'arrange pour que les employés « rentrent » tous les soirs à la base qui leur est assignée. S'ils sont priés de se trouver un logement sur place, aucune aide (financière ou autre) ne leur est fournie. Ainsi, pas de rotation étendue dans des pays étrangers, si les navigants « voyagent » effectivement à travers l'Europe, c'est en faisant quatre ou cinq vols par jours avec 25 minutes d'arrêt à chaque aéroport, à l'occasion desquels ils sont priés de nettoyer la cabine avant le prochain décollage.

Bien que les salaires annoncés fassent eux-mêmes difficilement rêver, encore une fois, la réalité rattrape vite les nouveaux navigants. Seul le temps en vol est payé. Dès que l'avion touche le sol, les employés travaillent « gratuitement », si l’avion a du retard au décollage, cette attente n’est pas payée. La première année, les commissions sur les ventes à bord sont généralement absorbées par le coût de la location des uniformes et, dans de nombreux cas, par le remboursement de leurs frais de formation.

Car oui, chez Ryanair, les aspirants navigants paient pour leur formation. Chez Ryanair, on ne gagne pas d'argent sans avoir commencé par en débourser.

Quand travaille-t-on vraiment pour Ryanair ?

Quatre agences sont officiellement accréditées pour recruter pour Ryanair : Crewlink, Dalmac, St. James Management et Cavok. Toutes facturent la formation entre 2 000 € et 3 000 €, avec l'option d'un remboursement par mensualités sur la première année. Les agences de recrutement savent se montrer arrangeantes, les aspirants navigants qui ne réussissent pas la formation n'ont rien à débourser (or, leurs propres frais de déplacement et de logement au centre de formation). Conséquence, un taux extrêmement élevé de « réussite » à l'examen final.

Une fois l'examen réussi, l'aspirant navigant a la possibilité d'accepter une « prime de bienvenue » de 1 200 € échelonnée en plusieurs paiements sur la première année. Une bénédiction après une formation coûteuse et les frais d'installation dans la base qui lui a été assignée.

        Toutefois le cadeau est un peu empoisonné. Pour ceux qui n'ont pas lu les petites lignes du contrat, une défection ou un renvoi avant la fin des douze premiers mois de travail oblige au remboursement de l'intégralité de la prime. Si on y ajoute le coût de la formation, un employé de Ryanair qui quitte la compagnie avant la fin de sa première année se retrouve souvent plus pauvre qu'avant son embauche.

Une situation outrageante ? Oui, mais difficile de se retourner contre la compagnie, en sortant de leur formation, les nouveaux venus ne signent pas directement avec Ryanair mais avec des agences de sous-traitance : Worforce International Contractors Ltd et Crewlink Ireland Ltd. Deux extensions des agences de recrutement. Sous contrat avec ces agences d'intérim, les navigants ne peuvent pas légalement se retourner contre Ryanair, ils ont un statut minimum, celui d'employés temporaires.

En effet, il leur faudrait au minimum un an de travail avec la compagnie pour se voir proposer un contrat avec Ryanair Ltd.

Une année généralement bien difficile à boucler quand on connaît la rapidité avec laquelle la machine tourne. Et quand bien même… La compagnie ne reconnaît aucun syndicat, laissant les salariés complètement démunis.

Si l’on remet en perspective la « machine » Ryanair face à ses salariés, apparaît tout un pan de la compagnie low-cost qui échappe trop souvent au grand public. Un pan où les voyageurs n’ont rien à gagner, si ce n’est d’être confrontés à des navigants mal formés, mal payés, épuisés, sans perspectives de carrière. Pour ne pas avoir à dépenser trop d’argent, Ryanair consomme à grandes brassées des aspirants navigants dont elle ne paiera ni la formation, ni le logement, ni l’uniforme, ni même les indemnités de renvoi, et qui lui devront encore de l’argent pendant des mois. La compagnie a discrètement réintroduit un rapport au travail qu’on avait pas vu depuis le XIXème siècle, et ça ne l’empêche pas de planer…

source : http://www.miroirsocial.com

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